___Sur le P-51D Mustang

La version finale du chasseur P-51 utilisée avec succès comme escorteur de bombardiers durant la Seconde Guerre mondiale. Il répondait à une demande de l'USAAF pour un appareil agile en vol, mais doté d'une autonomie suffisante pour accompagner les quadrimoteurs alliés jusqu'à Berlin, ou Tokyo. Initialement, les Britanniques désiraient un appareil puissant capable de suppléer à leurs Spitfires. Les Américains, eux, cherchaient un appareil qui pouvait remplacer leurs chasseurs P-40. Pourtant, la genèse du P-51 datait de Mars 1940 et avait été confié à un bureau d'études dirigé par l'ingénieur Edgar Schmued. Pour simplifier au maximum la production, les ingénieurs ont réutilisé beaucoup d'éléments de leur avion d'entraînement alors en production, le T-6 d’entraînement. Cependant ils optent pour deux nouveautés technologiques, qui vont déterminer le succès de l'avion : une aile à écoulement laminaire, récemment découvert par le NACA et un radiateur de fuselage à effet propulsif, développé par Curtiss.

 

La première version du P-51 était prometteuse, mais insatisfaisante

Les Britanniques, conscients que North American n'a jamais construit de chasseur, insistent quand même pour que la compagnie obtienne les données aérodynamiques de Curtiss sur le P-40 et le XP-46, ce qui fait l'objet d'un contrat de $56,000  entre les deux compagnies américaines. Les données ne semblent toutefois pas avoir beaucoup servi dans la conception[2] ; les dessins préliminaires sont prêts bien antérieurement. Par ailleurs, l'USAAF, forte de son droit de veto sur l'exportation de tout avion, oblige la RAF à lui fournir deux exemplaires gratuitement[3]. Le 4 Mai, le veto est levé et un contrat est signé le 20 Mai pour le NA-73X, suivi d'un autre le 29 Mai pour trois cent vingt exemplaires de série[2], à la condition que les essais soient réussis. Le NA-73X, qui deviendra le P-51, est très fin et aérodynamique et emporte presque deux fois plus de carburant qu'un Spitfire. Chaque aile contient un grand réservoir, qui occupe l'espace entre les deux longerons, de l'emplanture jusqu'au milieu de l'envergure. Le rayon d'action de l'appareil est considérablement augmenté par rapport à celui du P-40. La valeur importante du rayon d'action souhaité impose une faible traînée à grande vitesse, et en particulier un écoulement à laminarité étendue sur le profil d'aile. Ce profil atteint son épaisseur maximale, non plus au tiers de la corde, mais à la moitié. Ceci augmente le volume intérieur utile, ce qui permet de loger plus facilement l'armement, le train d'atterrissage et la plupart du carburant directement dans l'aile. Le profil d'aile a moins de portance qu'un profil classique, ce qui conduit au montage de grands volets pour les basses vitesses.

 

Tout est fait pour garantir la meilleure finesse aérodynamique, sans pour autant sacrifier la facilité de maintenance. Les radiateurs du liquide de refroidissement et d'huile sont placés très en arrière sous le fuselage, derrière le poste de pilotage, avec leurs évacuations presque au niveau de la roulette de queue. Le capot moteur est très enveloppant, mais démontable facilement et de grande taille. Il permet un accès facile à tout le moteur et son démontage rapide. Le seul détail discordant dans la ligne est la présence de la prise d'air du carburateur sur le dessus du capot moteur, très en arrière de l'hélice. Le pilote est logé dans un habitacle relativement spacieux, bien agencé pour l'époque, son dos est protégé par une plaque de blindage épaisse de huit millimètres et l'avant par un pare-brise blindé. Le train d'atterrissage, relativement simple, s'ouvre vers l'extérieur, et a donc une large voie de plus de trois mètres, les roues se plaçant dans la racine des ailes. La roulette de queue est aussi escamotable, son logement est obturé par deux petites portes. À l'extérieur des réservoirs vient se loger la plupart de l'armement avec, de chaque côté, une mitrailleuse Browning de 12,7mm (calibre 0.50) et deux de 7,62mm (calibre 0.30). Les mitrailleuses sont, du fait de la finesse de l'avant de l'aile, pratiquement couchées sur leurs flancs, leurs magasins placés à leur extérieur entre les longerons. Deux autres Browning de 12,7 mm sont placées de part et d'autre du moteur, juste en dessous de l'échappement. Deux points d'attache sous la voilure permettent l'emport de charges. Ainsi naîtra le P-51A.

 

Du P-51B au P-51D

Le P-51B, surnommé Mustang, reste par contre handicapé par les limitations de son moteur en altitude. En effet le Allison V1710, qui était le seul véritable moteur américain en ligne et à refroidissement liquide, souffre du retard des États-Unis dans la fabrication de compresseurs intégrés. Il est néanmoins fourni aux Britanniques qui l’utilisent pour la première fois durant le raid de Dieppe, le 19 Août 1942, où il abat un FW-190. Curieusement, ce fait d'armes est l'œuvre d'un pilote américain engagé volontaire dans la 414e escadrille canadienne. De nouvelles missions sont alors confiées aux paires de Mustang, les Rhubarbs, où ils attaquent des objectifs ponctuels en France, Belgique et Hollande occupées, et les Rangers où ils s'en prennent à des objectifs d'opportunité. Les objectifs permis sont assez limités, pour éviter les pertes au sein des populations civiles de ces pays. D'autres avions sont affectés au Coastal Command pour intercepter les raids de chasseurs-bombardiers FW-190 contre les ports de la Manche. En Octobre, au cours d'une mission sur Dortmund, il devient le premier chasseur monomoteur à survoler et à attaquer l'Allemagne. Le 30 Avril 1942, suite à l'essai d'un Mustang de la RAF, le pilote d'essai de la firme Rolls-Royce, Ronald W. Harker, déclare que selon lui, l'avion serait la cellule idéale pour le nouveau moteur Merlin 60. Les ingénieurs du motoriste demandent alors à louer trois Mustang pour tenter l'adaptation du moteur. Le programme est autorisé le 12 Août 1942 et cinq avions y sont affectés. Ils sont tous équipés de Merlin 65. L'augmentation de puissance est d'environ 200cv à 6 000 mètres et de 490 ch à 7 500 mètres. Le compresseur à deux étages du moteur anglais, provoquant l'élévation de la température de l'air admis à près de 200 °C, nécessite donc le montage d'un radiateur supplémentaire pour le refroidir avant le carburateur. Les ingénieurs choisissent de placer celui-ci en dessous du cône d'hélice. L'idée est reprise par North American, par l'intermédiaire de l'attaché militaire américain à Londres, le major Thomas Hitchcock. North American Aviation obtient l'autorisation de monter deux Merlin 65 importés, le 25 Juillet 1942 , alors que le motoriste Packard de Détroit négocie avec Rolls-Royce une licence pour produire le moteur. Les deux Mustang IA restés aux USA sont choisis et, sous la désignation de NA-101, la conversion commence. Bien que s'appuyant sur les travaux britanniques, le projet de North American, mené seulement par des ingénieurs de la firme, est très différent et le résultat est encore plus réussi. Ils adoptent eux aussi une entrée d'air pour le carburateur en dessous de la casserole d'hélice, mais par contre placent le radiateur supplémentaire pour le compresseur dans le groupe situé derrière le pilote. Ils évitent ainsi la tendance au déséquilibre longitudinal rencontré sur les Mustang X du fait de leur grande protubérance en dessous de l'hélice. Le capotage du moteur reste ainsi bien mieux soigné avec une finesse aérodynamique aussi bonne, voire meilleure que les P-51A, puisque les emplacements de mitrailleuses du fuselage sont éliminés. Ainsi naîtra le P-51B.

Un P-51B en Italie

L'année 1943 a révélé que les grandes formations de bombardiers de jour américaines sont vulnérables — contrairement aux théories de Douhet— si elles ne sont pas escortées par des chasseurs. Le Lockheed P-38 bimoteur et le Republic P-47, chargés jusqu'alors de cette mission, sont tous les deux trop coûteux et d'une autonomie trop faible. L'arrivée du Mustang avec un moteur Merlin change cet état de chose pour les Américains : ils peuvent enfin effectuer des raids escortés très en profondeur en Allemagne. Les chasseurs bimoteurs allemands armés de roquettes, jusque-là responsables de la majorité des pertes de bombardiers, sont écartés du ciel. Les monomoteurs allemands, même s'ils adaptent leurs tactiques, en se regroupant pour effectuer de vastes passes frontales suivies d'une fuite plein gaz, sont mis en difficulté du fait de la suprématie numérique américaine. Profitant de cette belle expérience initiale, les ingénieurs de la North American mettent au point le P-51D, en s’inspirant des dernières trouvailles britanniques, dont la verrière en bulle du Hawker Typhoon. Le colonel Mark Bradley retourne aux Etats-Unis en Juin 1943 avec la ferme intention de la faire adopter par les avionneurs américains. Republic adapte son P-47D dans un temps record et Bradley montre l'avion à Kindelberger. Un arrangement est passé avec l'armée pour tenter la modification avec un P-51B sélectionné qui prit le nom de XP-51D. Le fuselage arrière est abaissé puis renforcé en conséquence. Une grande verrière en plexiglas, montée dans un cadre métallique avec un joint en caoutchouc est placée sur trois rails lui permettant de coulisser vers l'arrière quand le pilote le commande par l'intermédiaire d'une manivelle. La forme de la verrière est retenue après des essais en soufflerie afin de déterminer le meilleur compromis entre la traînée et le champ de vision, avec un point de plus grande hauteur bien en arrière de la tête du pilote.

Le P-51D a été la version la plus utilisée

L'avion vole le 17 Novembre 1943, toujours avec Bob Chilton aux commandes. Le concept étant validé, North American prélève alors deux P-51B-10-NA de la chaîne de montage et les termine avec la nouvelle verrière sous le nom de P-51D (NA-106) ; on en profite pour remédier aux problèmes de l'armement. On installe trois nouvelles MG-53-2 bien verticales dans chaque aile, les deux centrales approvisionnées à 400 coups et les autres à 270. Une option existe pour les pilotes de faire démonter les deux extérieures, l'avion étant alors armé de quatre mitrailleuses, toutes avec 400 coups en magasins. La nécessité de renforcer le train d'atterrissage, suite à l'augmentation de masse, entraîne une autre modification visible, l'augmentation de taille des raccords d'ailes Kaman , pour pouvoir loger les pneus des roues principales plus volumineuses. En 1944, une innovation importante apparaît sur les P-51D : le montage du collimateur gyroscopique K-14. Par la suite, tous les nouveaux Mustangs sont dotés de cet équipement. Ce viseur, basé sur les modèles Feranti britanniques, prévoit grâce à un calculateur analogique la position de tir souhaitable, le pilote rentrant uniquement l'envergure de l'adversaire et la distance de tir grâce à une molette sur la manette des gaz. Les premiers P-51D arrivent en Europe, dès Mars 1944 le premier groupe à le recevoir est le 55e groupe de chasseurs, auparavant équipé de P-38. Par la suite, ils remplacent les P-51B dans les autres groupes et en équipent de nouveaux, ils servent dans les 4e, 20e, 55e, 78e, 339e, 352e, 353e, 355e, 356e, 357e, 359e, 361e, 364e et 479e groupes de la 8ème USAAFet dans les 354e, 363e et 370e de la 9ème USAAF.

George Preddy sur son P-51D

En Asie, où ils ne sont livrés qu'à la fin 1944, les P-51D et K sont pris en compte par les 15e, 21e et 506e groupes de chasseurs au sein du VIIe commandement de chasse, et le 23e groupe de la 14ème USAAF , les F-6D et K par le 8e groupe de reconnaissance. Les palmarès sur cet avion sont élevés, beaucoup de pilotes deviennent des as en un jour, c'est-à-dire qu'ils obtiennent cinq victoires dans la journée : William R. Beyer, William T. Whisner, Donald S. Bryan, Claude J. Crenshaw, L. K. Carson, J. S. Daniel, William J. Hovde et Charles Yeager. George Preddy est le meilleur des as sur Mustang avec 26,83 victoires dont 23,83 sur Mustang. Il est le seul à réaliser un sextuplé en Europe. Si les Américains livrent sans hésiter le P-51 aux autres pays anglo-saxons pendant la guerre, il n'en va pas de même avec les autres alliés. Malgré ses demandes, la France n'en reçoit pas en tant que chasseur et se voit attribuer des P-47 Thunderbolt reconnus inférieurs (et nettement plus chers !) ; elle n'a droit qu'à quelques avions de reconnaissance (d'occasion !) début 1945. De même, le Brésil et le Mexique, entrés en guerre sur une très forte insistance américaine, n'ont également droit qu'à des P-47. Toutes les demandes de l'URSS sont également rejetées.

Corée: un P-51D décolle dans de mauvaises conditions

À l'éclatement des hostilités en Corée, le P-51D connaît une deuxième jeunesse comme avion d'attaque au sol. La version H, plus performante mais à la capacité limitée dans l'emport de charge, est écartée du conflit. Les escadres de P-80 réactés basées au Japon les échangent contre leurs anciens Mustang alors encore au dépôt, ces derniers étant plus adaptés pour l'appui-feu et les opérations sur des terrains sommaires. Cependant, les appareils entreposés n'avaient pas été très bien entretenus à cause du manque de personnel qualifié. De nombreux appareils avaient leurs canalisations d'essence fissurées et leurs commandes de vol souillées, voire rouillés. Et pourtant, de nombreux pilotes volontaires prirent l'air sur des pistes boueuses avec ces appareils dépoussiérés munis de six roquettes, souvent en pleine averse… Environ 135 P-51D de l'ANG sont amenés par le porte-avions Boxer, au début du conflit. Les F-51D, armés de bombes, au napalm et de roquettes, prennent une part importante dans l'arrêt de l'offensive initiale nord-coréenne. L'USAF n'avait pas retenu la leçon de l'utilisation du P-51D en rase-mottes au-dessus de l'Allemagne. Si le Mustang avait fait ses preuves dans les combats aériens, il n'était pas du tout l'appareil approprié pour attaquer au sol. Le P-47D était plus résistant aux tirs ennemis, tout comme le sera le F4U Corsair et le A-1 Skyraider. Ce n'était pas un appareil capable d'encaisser des coups: une seule petite balle bien placée dans le bloc moteur du P-51D et l'appareil devenait hors d'usage. Et cette situation va se répéter en Corée.

Un P-51D fortement modifié, avec un arbre d'hélice double à la Tupolev…

Par la suite, l'apparition d'avions à réaction comme le MiG-15 condamne de plus en plus l'emploi d'avions à hélice. Les Mustang paient un lourd tribut pendant ce conflit avec 350 appareils abattus. Mais ils mènent 62,067 missions d'appui tactique et parviennent même à descendre quelques Yak-9 à hélice. Aujourd’hui, il existe plus d’une trentaine de P-51D en état de vol aux USA et en Europe. Certaines machines ont été allégées pour la voltige aérienne et dotées de moteurs surcompressés, de carburants plus volatils avec carburateurs spéciaux et utilisées en compétition d’accélération dans des pageants aériens comme celui de Reno, au Texas. Cependant, de telles modifications sont parfois risquées sur ces vieux fuselages et plusieurs pilotes ont été tués durant ces compétitions. La modification d'un avion militaire en coursier demeure toujours une entreprise risquée.

Oupps…

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